Employeur ou salarié : à qui de justifier la prise des congés ?

lundi, 29 juin 2015

Employeur ou salarié : à qui de justifier la prise des congés ?

 

À la veille des premiers départs en congés d’été, la Cour de cassation apporte un éclairage en pratique important sur les conflits qui peuvent surgir concernant la prise (ou la non-prise) des congés payés.

 

Il n’est pas inutile de rappeler au préalable les deux règles « de base » qui pèsent sur l’employeur en matière de congés payés (articles D 3141-5 et D 3141-6 du Code du travail) :

 

  1. Deux mois au moins avant son ouverture, l’employeur doit informer les salariés de la période de prise des congés ;
  2. Ensuite, un mois avant le départ de chaque salarié, l’employeur doit communiquer l’ordre des départs à chaque salarié et afficher cet ordre dans les locaux.

 

En cas de contentieux prud’homal, il est fréquent que le salarié forme une demande au titre des congés payés non pris. La question de fond est alors de savoir si le salarié n’a pas pu prendre ses congés du fait de son employeur, ou au contraire, si malgré les invitations de son employeur, le salarié n’a pas pris, de son fait, les congés auxquels il avait droit.

 

Bien souvent devant le conseil de prud’hommes, l’enjeu réside dans la charge de la preuve. Est-ce à l’employeur de prouver qu’il a mis son salarié en mesure de prendre ses congés ou est-ce au salarié d’établir qu’il n’a pas pu prendre ses congés du fait de son employeur ?

 

 

Dans un arrêt remarqué du 13 juin 2012, la Cour de cassation avait jugé qu’il appartenait à l’employeur de supporter la charge de cette preuve (Cass. Soc. 13 juin 2012, n° 11-10929) :

« Attendu qu'eu égard à la finalité qu'assigne aux congés payés annuels la Directive 2003/ 88/ CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, il appartient à l'employeur de prendre les mesures propres à assurer au salarié la possibilité d'exercer effectivement son droit à congé, et, en cas de contestation, de justifier qu'il a accompli à cette fin les diligences qui lui incombent légalement. »

 

Il appartenait donc à l’employeur de rapporter la preuve qu’il avait accompli les deux obligations ci-dessus et qu’ainsi le salarié disposait de la possibilité d’exercer son droit à congés.

 

 

Dans un récent arrêt du 12 mai 2015, la Cour de cassation a toutefois complété cette jurisprudence et vient opérer une distinction. Elle précise en effet que, s’agissant de jours de congés prévus non pas par l’effet de la loi mais par une convention collective, c’est au salarié de rapporter la preuve qu’il n’aurait pas pu prendre ses congés du fait de l’employeur. (Cass. Soc. 12 mai 2015, n° 13-20349).

 

Pour fonder cette décision, la Cour de cassation précise que les congés prévus par la convention collective « sont accordés en sus des congés payés annuels d'une durée minimale de quatre semaines ».

 

 

Autrement dit, la Cour de cassation semble s’orienter vers un régime dual :

 

-        Pour les 4 semaines de congés payés minimums, imposées par la législation communautaire : la charge de la preuve incombe à l’employeur ;

-        Pour les autres congés (prévus par une convention collective, la cinquième semaine légale, etc.) : la charge de la preuve incombe au salarié.

 

Prudence donc, il est désormais un enjeu judiciaire de savoir quels congés prend le salarié (légaux, conventionnels, etc.), ce qui peut, par exemple, être précisé sur les bulletins de paye grâce aux différentes abréviations utilisées.

 

Sylvain FLICOTEAUX

Avocat au Barreau de LYON

 
Maitre Sylvain Flicoteaux

Maitre Sylvain Flicoteaux

Maître Sylvain FLICOTEAUX intervient en tant que formateur à l’École des Avocats de la région Rhône-Alpes, et dispense des cours de droit du travail et de droit des contrats à l’université Lyon 1 et à l’université Lyon 3 (I.U.T.).

Maître Sylvain FLICOTEAUX est également investi au sein de l’Ordre des avocats du Barreau de Lyon et a été membre des représentants du Jeune Barreau (2012-2014).