Réforme de la procédure prud’homale - Décret d’application de la Loi Macron

mardi, 07 juin 2016
 

Réforme de la procédure prud’homale

Décret d’application de la Loi Macron

 

Le Décret n° 2016-660, pris en application de la Loi dite « MACRON », a été publié le 25 mai 2016. Il vient compléter et préciser la réforme de la procédure Prud’homale.

Plusieurs évolutions importantes sont ainsi consacrées, qui vont pour certaines profondément modifier la stratégie procédurale choisie devant le Conseil de Prud’hommes, à tout le moins au stade de sa saisine.

Brièvement, voici les principales nouveautés (procédurales uniquement) que notre cabinet aura l’occasion de vous présenter plus en détail dans les mois qui viennent :

  • Le décret généralise en premier lieu la nouvelle dénomination du «Bureau de conciliation et d’orientation», confirmant ainsi les pouvoirs attribués à ce dernier pour organiser la mise en état du dossier en vue de son jugement. Ainsi, le Bureau de conciliation et d’orientation aura la possibilité d’assurer une véritable mise en état : date d’audience spécifiques à cette fin, délai de communication, possibilité d’entendre les parties, de les inviter à fournir des explications ou documents, désignation de conseiller(s) rapporteur(s), mesures d’instruction, le tout avant le bureau de jugement et assorti de potentielles sanctions procédurales. 

 

  • Le décret précise également la composition (déjà connue mais non encore actualisée dans les dispositions réglementaires) des différentes formations de jugement qui pourront désormais siéger (formation restreinte, formation « classique », composition présidée par le Juge départiteur, qui sera désormais un Juge désigné par le Président du Tribunal de Grande Instance).

Le bureau de jugement disposera également du pouvoir de mise en état propres et aura le pouvoir d’écarter des débats les conclusions et pièces communiquées tardivement.

 

  • L’une des innovations majeures résidera dans l’obligation qui est désormais faite au demandeur de saisir le Conseil de Prud’hommes au moyen d’une requête comportant non seulement les mentions classiques en procédure civile, mais également un «exposé sommaire des motifs de la demande», accompagnée de ses pièces. Il faut en effet rappeler que la juridiction prud’homale était l’une des seules juridictions que le demandeur pouvait saisir sans exposer les raisons de sa demande et que la phase de préalable de conciliation s’en trouvait nécessairement impactée, ce qui pouvait donner lieu à des chefs de demandes pour le moins incompréhensible pour l’entreprise défenderesse.

Ces motifs et ces pièces seront adressés au défendeur, lequel pourra déposer ses propres conclusions et pièces, avant l’audience de conciliation.

Il y aura là incontestablement une modification des stratégies procédurales, à tout le moins en demande, et enfin une meilleure lisibilité pour l’employeur du litige qui est porté contre lui.

 

  • La contestation de la section compétente du Conseil de Prud’hommes ne pourra plus être soulevée à tous les stades de la procédure. Il appartiendra en effet à celui qui soulève cette contestation de le faire dès le stade du bureau de conciliation et d’orientation ou, lorsque l’affaire est portée directement devant le Bureau de Jugement (par exemple en cas de liquidation judiciaire, etc.), «avant toute défense au fond».

Il s’agit là d’aligner le régime de cette contestation sur les exceptions de procédure qui doivent être soulevées in limine litis.

 

  • Le Conseil de prud’hommes aura la faculté, dès le stade de la conciliation, et dans certaines hypothèses, de pallier l’absence d’attestation POLE EMPLOI, que le salarié n’aurait pas reçue ou obtenue, en prenant une décision provisoire récapitulant les éléments que doivent y figurer. Il faut y voir là une possibilité de réduire autant que possible le préjudice subi par un salarié qui ne disposerait pas de son attestation POLE EMPLOI pour faire valoir ses droits.

  

  • Une évolution importante pour l’information des parties résidera dans l’obligation qui est désormais faite au Conseil de Prud’hommes de les aviser de toute prorogation du délibéré avec les motifs justifiant cette prorogation.

 

  • Des nouveautés résultent également des obligations procédurales mises à la charge des parties en première instance, comme en appel.

En première instance, lorsque les parties sont assistées par un Avocat, ce dernier devra en effet formuler l’ensemble de ses prétentions par écrit, déposer des conclusions récapitulatives en cas de successions d’écrits, et récapituler les demandes dans le « dispositif » (dernière partie des conclusions) puisque le conseil de prud’hommes ne statuera plus que sur les seules les demandes ainsi reprises. Ces précisions ne perturberont pas les avocats qui, en pratique, faisaient déjà de la sorte.

 

  • En revanche, une nouveauté procédurale réside dans l’instance d’appel puisque désormais les parties auront l’obligation de se faire représenter:
    • par un avocat pour l’employeur,
    • par un avocat ou un défenseur syndical pour le salarié,
    • dans tous les cas, s’il s’agit d’un avocat, celui-ci devra désigner un « postulant » s’il n’est pas installé dans le ressort de la Cour d’appel saisie du litige…

Cette évolution induit par ailleurs d’importantes modifications de la procédure applicable, notamment l’obligation de se conformer à la communication électronique lorsque le représentant est avocat, et l’obligation de respecter les spécificités de la procédure d’appel avec représentation obligatoire issues du décret Magendie (délais pour conclure, régime des caducités et irrecevabilités, pouvoirs du Conseiller de la mise en état, notification des écritures si l’une des parties ne s’est pas constituée, etc.). Or, les sanctions sont sévères puisqu’elles peuvent aller jusqu’à l’impossibilité de produire ses pièces et de plaider faute d’avoir respecté ces dispositions.

Enfin, la procédure d’appel est à ce jour soumise à l’acquittement d’un droit de 225 € par partie (timbre fiscal).

A n’en pas douter, cette profonde mutation de la procédure d’appel applicable en matière sociale induira des coûts supplémentaires à la charge des parties alors même que le taux d’appel des décisions prud’homale est très élevé.

 

Il s’agit là de certaines dispositions purement procédurales du décret qui en comportent d’autres (licenciement économique, mode amiables de règlement des litiges, compétence du Tribunal d’Instance), mais il est très clair que ces dispositions ont pour effet de rapprocher de plus en plus la procédure prud’homale de la procédure écrite, dès la première instance, et de tenter de la cadencer.

Reste à savoir ce que la pratique fera de ces nouvelles dispositions et si elles parviendront réellement à atteindre les objectifs assignés par le gouvernement. Il n’est en effet pas certain qu’elles apportent une plus grande sécurité procédurale, compte tenu notamment de la complexité de la procédure d’appel.

Et ce d’autant plus que le décret du 20 mai 2016 consacre également la suppression du principe de l’unicité de l’instance, induisant une insécurité supplémentaire pour l’employeur qui pourra être l’objet de plusieurs procédures distinctes de la part du même salarié ou ancien salarié, alors même que l’esprit qui présidait auparavant était de vider intégralement toute source litigieuse dans la conclusion, l’exécution et la rupture du contrat de travail en évitant la démultiplication ou le morcellement des procédures.

Les évolutions majeures entreront en vigueur pour les instances introduites à compter du 1er août prochain (saisine avec une requête motivée, conclusions récapitulatives, procédure d’appel avec représentation obligatoire, suppression de l’unicité de l’instance).

Attention toutefois à celles qui sont applicables aux instances en cours, notamment s’agissant de la contestation de la compétence d’une section du Conseil de Prud’hommes et la non-comparution d’une partie devant le Bureau de Jugement.

Sylvain FLICOTEAUX

Avocat au Barreau de LYON

Maitre Sylvain Flicoteaux

Maitre Sylvain Flicoteaux

Maître Sylvain FLICOTEAUX intervient en tant que formateur à l’École des Avocats de la région Rhône-Alpes, et dispense des cours de droit du travail et de droit des contrats à l’université Lyon 1 et à l’université Lyon 3 (I.U.T.).

Maître Sylvain FLICOTEAUX est également investi au sein de l’Ordre des avocats du Barreau de Lyon et a été membre des représentants du Jeune Barreau (2012-2014).