Bons cadeaux offerts par l'employeur et cotisations sociales

mercredi, 19 avril 2017

Bons cadeaux offerts par l'employeur et cotisations sociales

 

Une jurisprudence de la 2ème Chambre Civile de la Cour de Cassation, en date du 30 mars 2017 (Recours n° 15-25453), nous permet de revenir sur l’exonération accordée à certains bons d’achat et cadeaux octroyés par l’employeur à ses salariés.

On sait qu’en vertu d’une jurisprudence constante, les bons d’achat que l’employeur attribue à ses salariés doivent être soumis à cotisations sociales, à moins qu’ils aient le caractère de secours.

Néanmoins, le Ministère et l’ACOSS, avaient depuis longtemps accordé une tolérance permettant d’exclure de tels bons cadeaux, notamment si ils étaient octroyés par une entreprise ou une Association qui ne dispose pas de Comité d’entreprise (employeur de moins de 50 salariés ou absence de Comité d’entreprise suite à un PV de carence), et sous réserve également qu’ils ne dépassent pas un certain montant au cours de l’exercice concerné (ces bons cadeaux ou bons d’achat devaient être inférieurs à 5 % du plafond mensuel de la Sécurité Sociale notamment).

Cette tolérance résultait de positions anciennes de l’Administration puisqu’elles étaient expressément mentionnées dans une instruction ministérielle du 17 avril 1985, ainsi que dans une lettre circulaire de l’ACOSS n° 211-24 du 21 mars 2011.

Or, dans l’affaire tranchée par la Cour de Cassation le 30 mars 2017, l’URSSAF, à la suite d’un contrôle, avait réintégré dans l’assiette des cotisations sociales des bons d’achat et cadeaux qui avaient été attribués par une Association à ses salariés, et qui répondaient pourtant aux critères posés par le Ministère et l’ACOSS.

L’Association avait contesté le redressement et obtenu gain de cause sur ce point devant la Cour d’Appel qui reprenait dans sa décision les conditions posées par l’instruction ministérielle du 17 avril 1985 et la lettre circulaire de l’ACOSS du 21 mars 2011.

L’URSSAF s’est pourvue en Cassation.

La Cour de Cassation a alors cassé l’arrêt rendu par la Cour d’Appel et donné raison à l’URSSAF, sans même entrer dans le débat consistant à savoir si les conditions d’exonération étaient remplies.

En effet, la Cour de Cassation rappelle lapidairement que, pour être opposable à l’URSSAF, les instructions et circulaires doivent émaner du Ministère chargé de la Sécurité Sociale et être régulièrement publiées (sous réserve bien évidemment que les dispositions applicables n’aient pas évolué sur les éléments contenus dans ses instructions et circulaires). A défaut, l’URSSAF n’est pas liée par leur contenu.

Or, en l’espèce, l’instruction ministérielle du 17 avril 1985 et la circulaire ACOSS du 21 mars 2011 ne remplissaient pas ces critères, si bien que la Cour de Cassation en déduit automatiquement qu’elles ne liaient ni l’URSSAF, ni les Juges, et qu’en conséquence la tolérance qu’elles instituaient n’avait pas à être prise en compte par la Cour d’Appel.

Il est vrai que la Cour de Cassation avait déjà jugé que l’instruction ministérielle du 17 avril 1985 n’avait pas de force juridique obligatoire. (Cass., Soc., 11 mai 1988, n° 86-10 122)

Mais pour autant, on ne peut que regretter l’insécurité qui résulte de cette application particulièrement sévère du principe d’opposabilité des circulaires et instructions.

Ne peut-on pas en effet craindre une rupture d’égalité entre les employeurs dépendant d’une URSSAF qui ferait application de cette tolérance, bien assise, et ceux dépendant d’une URSSAF qui n’en tiendrait pas compte sur le fondement de cette jurisprudence, sans que l’on puisse détecter le critère selon lequel les URSSAF pourraient choisir dans certains cas de faire application de cette tolérance, des cas dans lesquels elles ne le feraient pas.

De surcroît, une telle position n’est pas simplement défavorable à l’employeur, mais aussi aux salariés destinataires de ces bons d’achat ou cadeaux, puisque non seulement ils subiront des cotisations salariales assises sur leurs montants, mais en outre il est à craindre qu’un certain nombre d’employeurs renonce à leur octroi au regard du coût ainsi engendré.

Quelle que soit la position que l’on puisse avoir sur ces conséquences, il convient en tout état de cause d’être particulièrement vigilant aux pratiques pouvant exister au sein de l’entreprise compte tenu des risques de redressement qui en découlent (sans parler des majorations dues en cas de redressement), et qui sont donc fermement rappelés par la Cour de Cassation.

Cabinet Delmas Flicoteaux

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