LES NOUVEAUX CRITERES CONSTITUTIFS DU COEMPLOI

lundi, 22 mars 2021

LES NOUVEAUX CRITERES CONSTITUTIFS DU COEMPLOI

 

Dans un arrêt du 25 novembre 2020, d’ores et déjà largement commenté et publié, et qui adopte la nouvelle approche rédactionnelle de la Cour de Cassation, la haute juridiction française précise et circonscrit encore davantage la notion de coemploi. Elle apporte aussi un éclairage précis de sa décision dans son commentaire publié sur son site Internet.
Probablement qualifiée de nouvelle définition du coemploi par excès linguistique, il s’agit en réalité de circonscrire davantage cette notion dans la veine et la lignée des précédents arrêts de la Cour de Cassation.
On se souvient en effet des longues et médiatiques batailles judiciaires relatives au coemploi qui, passé la nouveauté et le sophisme du concept, avait finalement conduit à adopter en 2014 une définition fondée, aux termes des arrêts de la Cour de Cassation, sur la triple confusion d’intérêts, d’activités et de direction se manifestant par une immixtion de la société mère dans la gestion économique et sociale de sa fille.
On percevait bien, dans cette approche, la tentative d’objectiver ce qui constitue une véritable position d’employeur qu’aurait, dans les faits, adopté la société mère en dehors de tout lien de subordination direct à l’égard des salariés de sa filiale.
En d’autres termes, l’objectif était de faire supporter à la société mère les obligations de l’employeur lorsqu’elle se servait de sa filiale comme d’un écran ou d’une personnalité morale factice n’ayant strictement aucune autonomie.
Les arrêts suivants de la Cour de Cassation et notamment l’arrêt 3 SUISSES du 6 juillet 2016 avaient confirmé cette approche, puisqu’il avait reconnu une situation de coemploi dans une situation de perte totale d’autonomie de la filiale par une immixtion permanente d’autres sociétés du groupe dans la gestion économique, technique et administrative, ainsi que dans la gestion des ressources humaines.
La définition du coemploi n’a depuis lors pas été modifiée par la Cour de Cassation et plusieurs arrêts de la Cour d’Appel avaient été cassés, ce qui conduit la Cour de Cassation à commenter la nouvelle évolution de jurisprudence sous la forme d’un pieu constat : les critères ainsi posés étaient difficilement caractérisables ou maniables pour les Juges du fond.
En réalité, bien qu’ayant compris à l’instar de l’ensemble des travaillistes que la Cour de Cassation voulait réserver la notion de coemploi à des situations exceptionnelles, la difficulté résidait – pour les juridictions de fonds - dans l’importante marge d’appréciation que laisse la notion de « confusion », laquelle n’est manifestement pas aussi fine que l’avait conçu la Cour de cassation.
Par ailleurs, ces notions s’adaptent mal à la réalité actuelle d’un groupe de sociétés international et à ces imbrications extrêmement fortes.
Parallèlement à ce constat, s’est développée la possibilité d’engager la responsabilité civile délictuelle de la société mère lorsque des agissements fautifs de cette dernière auraient causé la déconfiture de la société fille.
On aurait donc pu penser, et la Cour pose clairement la question, que ce prisme juridique puisse prendre l’avantage et aboutir à un abandon de la notion de coemploi.
Ce n’est pas le choix fait par la Cour de Cassation qui, dans son commentaire, rappelle la différence de régimes juridiques entre ces deux mécanismes, maintient leur coexistence mais entend affiner davantage sa définition du coemploi.
C’est ainsi que dans l’arrêt du 25 novembre 2020 (N° 18-13.769), la Cour de Cassation juge que le coemploi ne peut être retenu qu’en caractérisant : « une immixtion permanente de la société mère dans la gestion économique et sociale de la société employeur, conduisant à la perte totale d’autonomie d’action de cette dernière ».
 
Par cette définition la Cour de Cassation entend vraisemblablement objectiver encore plus ce qu’est une situation de coemploi et la limiter à la fictivité ou quasi fictivité de la société fille qui serait devenue une sorte de personnalité morale écran.
Les termes employés relèvent d’ailleurs presque du terrain de la faute de la société mère (« immixtion » ; « perte totale d’autonomie » ).
Maintenir la notion de coemploi en la limitant strictement nous parait tout à la fois juste pour les situations dans lesquelles ce concept pourrait être mobilisé, et correspondre à ce qui est la réalité du fonctionnement d’un groupe à l’heure actuelle.
N’oublions pas par ailleurs que la notion de coemploi est très principalement mobilisée lorsque la société fille fait l’objet d’une procédure collective, de façon à atteindre un débiteur solvable et contourner les limites de garanties de l’AGS.
Or, en matière de licenciement pour motif économique, la situation du groupe est d’ores et déjà prise en compte à de nombreux niveaux (analyse du secteur d’activités, périmètre de l’obligation de reclassement, proportionnalité du PSE etc…), ce qui justifie que la notion de coemploi ne soit pas étendue au-delà de la fictivité d’une personnalité morale.

 

Cabinet Delmas Flicoteaux

Cabinet Delmas Flicoteaux

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