Prise en compte des temps de trajet, hors temps de travail, des représentants du personnel dans le déclenchement des heures supplémentaires
Dans un arrêt du 27 janvier 2021, la Cour de cassation apporte une précision importante sur le traitement du temps de trajet des représentants du personnel.
Elle retient ainsi que le temps de trajet, pris en dehors de l’horaire normal de travail et effectué en exécution des fonctions représentatives doit être rémunéré comme du temps de travail effectif pour la part excédant le temps normal de déplacement entre le domicile et le lieu de travail, et doit être pris en compte pour déterminer l’existence, le cas échéant, d’heures supplémentaires donnant lieu à majorations. (Cass. Soc., 27 janvier 2021, n°19-22.038)
Pour rappel, le traitement des temps de trajets des représentants du personnel dépend de la finalité dudit trajet.
Si le trajet est réalisé pour se rendre à une réunion convoquée par l’employeur, il convient, dans ce cas, de distinguer selon que ce dernier est effectué pendant ou en dehors des heures de travail.
Si le trajet a lieu pendant les horaires de travail, le temps de trajet est rémunéré comme du temps de travail effectif et ne s’impute pas sur le crédit d’heures de délégation du représentant du personnel.
En revanche, si le trajet est réalisé en dehors des horaires de travail, il doit être rémunéré dès lors qu’il dépasse en durée le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu de travail.
Lorsque le trajet est réalisé pour un autre motif, en lien avec l’exercice du mandat du représentant du personnel, les temps de déplacement doivent alors s’imputer sur son crédit d’heures.
Dans l’affaire qui nous intéresse, un salarié, exerçant plusieurs mandats de représentant du personnel, avait saisi la juridiction prud’homale pour demander à ce que les temps de trajet effectués pour se rendre à des réunions convoquées par l’employeur, réalisés en dehors de son temps de travail et dépassant le temps normal de trajet entre son domicile et son lieu habituel de travail, soient comptabilisés au titre des heures supplémentaires.
En l’espèce, les heures de trajet excédentaires avaient bien été payées par l’employeur comme du temps de travail effectif mais n’avaient pas été prises en compte pour déterminer l’existence d’heures supplémentaires.
La Cour d’appel déboute le salarié estimant que ce dernier ne pouvait prétendre à la comptabilisation au titre des heures supplémentaires de ses temps de trajet liés à l’exercice de ses mandats de représentation qui dépassaient le temps normal de trajet entre son domicile et son lieu de travail.
La Cour de cassation n’est pas de cet avis. Elle rappelle, dans un premier temps, que les heures de délégation des représentants du personnel sont de plein droit considérées comme du temps de travail et payées à l’échéance normale.
Elle se penche, ensuite, sur la question des temps de trajet et rappelle le principe selon lequel les représentants du personnel ne doivent subir aucune perte de rémunération en raison de l’exercice de leur mandat. Ainsi, leur temps de trajet, pris en dehors de l’horaire normal de travail et effectué en exécution des fonctions représentatives, doit être rémunéré comme du temps de travail effectif pour la part excédant le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu de travail.
La Cour de cassation va plus loin en indiquant expressément, et pour la première fois, que le temps de trajet excédentaire doit être pris en compte dans la détermination du seuil de déclenchement des heures supplémentaires, donnant lieu à majoration de salaire.
Ainsi, ce temps n’est plus seulement rémunéré comme du temps de travail effectif, mais est également assimilé à du temps de travail effectif, et ainsi pris en compte au titre des heures supplémentaires.
Dans un autre arrêt récent, la Cour de cassation avait déjà eu à s’intéresser, à nouveau, à la problématique de l’exercice par un représentant du personnel de son mandat en dehors de ses heures de travail et de sa rémunération. (Cass. Soc., 3 mars 2021, n°19-18.150)
Le cadre était toutefois différent puisqu’il s’agissait ici de l’utilisation d’heures de délégation en dehors du temps de travail, et donc de missions autres que l’assistance à une réunion convoquée par l’employeur.
La particularité était que le représentant du personnel en question faisait l’objet d’une dispense d’activité au moment où il avait utilisé ses heures de délégation.
La Cour de cassation commence par rappeler que l’utilisation des heures de délégation ne doit entraîner aucune perte de salaire pour le représentant du personnel. Lorsque les heures de délégation sont prises en dehors du temps de travail, en raison des nécessités du mandat, elles doivent être payées en plus des heures de travail habituelles.
Elle précise qu’en cas de dispense d’activité, il convient de se référer aux horaires que le salarié aurait dû suivre s’il avait travaillé et que ce dernier peut alors prétendre au paiement des heures de délégation prises en dehors du temps de travail résultant de son planning « théorique ».
La solution n’allait pas de soi.
L’employeur aurait donc dû, au cas présent, établir un planning théorique pour déterminer s’il devait au représentant du personnel des heures de délégation rémunérées en sus de celles d’ores et déjà rémunérées dans le cadre de sa dispense d’activité.
Par ces deux arrêts, et une certaine interprétation extensive, la Cour de Cassation réaffirme fermement le principe selon lequel les représentants du personnel ne doivent subir aucune perte de rémunération du fait de l’exercice de leur mandat.