Aujourd’hui entre en vigueur l'obligation nouvelle de justifier d’une tentative préalable de résolution amiable du conflit pour pouvoir saisir le juge
Le décret du 11 mars 2015 (n° 2015-282), qui a été publié le 14 mars dernier, apporte une innovation importante que les parties et les professionnels du droit devront intégrer tout à la fois à leurs actes mais également à leurs stratégies.
L’article 18 de ce décret dispose en effet que « Sauf justification d'un motif légitime tenant à l'urgence ou à la matière considérée, en particulier lorsqu'elle intéresse l'ordre public, l'assignation précise également les diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable du litige. » (Cette mention est intégrée à l’alinéa 3 de l’article 56 du Code procédure civile)
Par voie de conséquence, pour saisir le juge, et sauf exception, il appartiendra au demandeur de pouvoir justifier de « diligences » préalables, qui ont été partiellement ou totalement infructueuses. Il lui sera donc nécessaire de tenter une résolution amiable du litige avant toute saisine, et d’en garder la preuve.
Cette disposition entre en vigueur au 1er avril 2015, aujourd’hui donc. Mais elle ne nous semble toutefois pas constituer un grand bouleversement.
Tout d’abord, parce qu’il est fréquent qu’une action judiciaire soit précédée d’échanges entre les parties, par exemple via des courriers de réclamation, de demande de dédommagement, etc. (notamment lorsque le demandeur reproche à son contradicteur un manquement ou l’inexécution d’une obligation) dans lesquels le demandeur pourra aisément proposer ou demander une résolution amiable du litige qu’il évoque.
Le Code civil lui-même intègre d’ailleurs la nécessité d’une mise en demeure préalable avant de solliciter certaines sanctions propres aux contrats (articles 1139 et 1146 du Code civil). Et il est donc tout à fait possible, au sein de cette mise en demeure, d’intégrer que, faute de réponse favorable à la demande comminatoire que contient cette mise en demeure, un règlement amiable du litige pourra être envisagé. Attention à sa rédaction toutefois.
Toute la question est donc de savoir ce que recouvre la notion de « diligences entreprises » dont doit désormais justifier le demandeur.
Or, point de bouleversement parce que contrairement à ce qui avait pu être imaginé, cette obligation de justification concerne uniquement les « diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable ».
Aucune obligation n’est donc faite, à notre sens, d’avoir au préalable tenté un mode alternatif de règlement des litiges au sens procédural du terme (médiation, procédure participative, etc.).
L’obligation est uniquement d’avoir tenté de trouver une résolution amiable du litige et d’en justifier dans l’acte introductif d’instance (l’assignation bien souvent). Cela pourrait donc être de simples échanges de courriers, des pourparlers, etc.
Plus délicate sera en revanche la question de l’éventuelle confidentialité de ces échanges qui peut interdire d’en faire état (notamment s’ils ont lieu entre avocats). Gare donc à conserver la preuve d’une tentative de rapprochement (par exemple via des courriers officiels) tout en maintenant le caractère confidentiel du contenu des discussions, ce à quoi les praticiens Avocats sont toutefois déjà bien habitués.
Cette analyse nous semble renforcée par la sanction (ou l’absence de sanction) attachée à cette nouvelle exigence. A notre sens, aucune nullité n’est encourue. En revanche, le juge aura la possibilité, à défaut de justification desdites diligences dans l’assignation, de « proposer aux parties une mesure de conciliation ou de médiation » (nouvel article 127 du Code de procédure civile).
En d’autres termes, le juge pourra proposer de tenter la résolution amiable qui aurait dû être antérieure à sa saisine.
Cette solution, qui pour certains contentieux simples permettra peut-être d’engager des discussions, aura en revanche l’inconvénient d’allonger la procédure et donc de favoriser le défendeur…. Ce qui ne peut donc qu’inciter à engager une tentative de résolution amiable avant toute saisine afin de pouvoir en justifier dès le stade de l’assignation (sauf motif légitime tenant à l’urgence où à la matière considérée comme le rappelle le texte).
La vigilance s’impose quoiqu’il en soit sur la pratique et l’interprétation qui découleront de cette nouvelle exigence.
Sylvain FLICOTEAUX
Avocat au Barreau de LYON